La prostitution de luxe est une forme de prostitution qui répond à une demande spécifique; pratiquée par des personnes desquelles on exige des qualités aussi bien physiques (beauté et distinction) qu’intellectuelles (notamment une culture générale étendue et la pratique de plusieurs langues), elle concerne des clients provenant d’une classe sociale aisée et possédant un bon niveau intellectuel. La prostitution de luxe se différencie de la prostitution de rue pratiquée pour survivre : les personnes se prostituant dans la rue connaissent des difficultés financières et leurs clients sont en demande de relation sexuelle.
La prostitution de luxe est le plus souvent pratiquée par des femmes, de manière régulière ou occasionnelle pour élever leur niveau de vie. C’est pourquoi, les personnes l’exerçant peuvent ne pas réaliser qu’elles se livrent à la prostitution : « Devant les policiers, certaines escort-girls ont fondu en larmes. "Elles prenaient conscience pour la première fois de l’avilissement de leur corps. Pour la plupart, il s’agissait d’occasionnelles", raconte le commissaire Rigourd. »1
1. Profils et caractéristiques
Les personnes pratiquant la prostitution de luxe, pour la plupart des femmes, dénommées call-girl ou escort-girl, proviennent souvent d’une famille de classe moyenne, parfois aisée. Si la plupart d’entre elles n’ont pas connu, par le passé, de traumatismes importants, il n’en reste pas moins que certaines ont pu subir des viols ou des violences sexuelles et se sont retrouvées dans cette activité plus par désespoir que par plaisir « J’avais un total mépris de moi-même (...). Froidement, je me suis dit ; je n’aurais pas à dire merci. (...) Je m’en suis tirée parce que j’ai su mettre des limites. »2 Pour Soraya, « Moralement, je m’en sors parce que je suis une fille expérimentée maintenant ! Ou alors parce que j’ai été obligée très tôt de banaliser tout cela pour le supporter. »3
Les tarifs des prostituées de luxe sont très variés : « Mes prestations débutent à 380 euros pour une rencontre d’une heure. »4 Ou : « Mes tarifs sont de 2500 francs [environ 385 euros] l’heure, de 1000 francs [environ 153 euros] à 1500 francs [environ 230 euros] l’heure supplémentaire. Pour une journée entière, je demande de 15 000 francs [environ 2307 euros] à 20 000 francs [environ 3077 euros] francs. »5 Des précautions sont prises et le type de rapports est déterminé dès le départ : « Je ne pratique pas la sodomie et tous les rapports sont protégés. »6
Plusieurs manières d’exercer cette activité existent : les call-girls peuvent se livrer à la prostitution de luxe de manière indépendante ou être dirigées par des proxénètes.
Les prestations des personnes prostituées de luxe ne se limitent pas à l’acte sexuel qui n’est d’ailleurs pas systématique. Elles accompagnent souvent leurs clients pour les mettre en valeur – lorsqu’il s’agit de femmes – lors d’un dîner d’affaires ou leur tiennent compagnie durant un week-end.
Parallèlement à cette activité, certaines personnes prostituées de luxe exercent une profession durant la semaine et sont call-girl ou gigolo-escort le week-end. Ces personnes peuvent également être des étudiant(e)s et se livrer à la prostitution de luxe pour financer leurs études.
L’existence des personnes prostituées de luxe se conjugue souvent sur le mode de la double vie plus ou moins bien assumée. Car cette situation peut parfois forcer à une discrétion assez difficile à supporter dans la mesure où, la personne prostituée de luxe, comme la personne prostituée de rue, vit un dédoublement constant ayant à articuler deux existences antagonistes, sa vie normale et sa vie de call-girl.
2. Les clients des personnes prostituées de luxe
« Dans les milieux financiers, il est quasi rituel d’emmener les gros clients voir les prostituées. De luxe, bien sûr, mais prostituées quand même. »7 Les clients des prostituées de luxe peuvent être des hommes célèbres du monde artistique ou du spectacle, des hommes d’affaires, des diplomates voire des hommes d’Etat. Ils sont souvent très exigeants quant au type de personnes qui les accompagnent. Les clients sont également des femmes. Marc, gigolo-escort témoigne : « Les femmes que je rencontre ont rarement plus de cinquante ans. »8
Les clients de personnes prostituées de luxe peuvent les rechercher sur internet. Des annonces codées circulent également dans certains journaux. Ainsi, avant son arrestation en mai 2002, Margaret M. dirigeante d’un réseau international de proxénétisme (cf. infra) en faisait régulièrement paraître, dans l’International Herald Tribune, moyennant 3000 euros par mois.
Selon des statistiques américaines établies dans l’ouvrage Sex for sale9, qui confronte, dans un de ses chapitres, la prostitution de rue à la prostitution de luxe10 à Los Angeles, la clientèle des call-girls est principalement constituée d’hommes blancs (82% pour les call-girls contre 34% pour les personnes prostituées de rue) et la majorité de ces clients ont entre 21 et 40 ans. 65% des clients de call-girls proviennent d’un milieu social élevé et 59% ne sont pas mariés11. 49% des call-girls ont des clients réguliers qu’elles voient depuis plus d’un an (45%), une fois par mois (36%).12 38% des call-girls passent une heure avec leur client (contre 19% pour les personnes prostituées de rue). 20% des call-girls passent cinq heures ou plus avec leur client (contre 10% pour les prostituées de rue)13.
En ce qui concerne la drogue et l’alcool consommés, toujours selon les mêmes sources, 21% des call-girls prennent de l’alcool avant le rendez-vous (contre 39% pour les prostituées de rue) ; 6% des call-girls prennent de la drogue (contre 51% pour les prostituées de rue).14
Les échanges montrent également des pratiques assez divergentes entre les personnes prostituées de luxe et les personnes prostituées de rue : 42% des call-girls ont des relations tendres (caresses, baisers et étreintes) avec leurs clients (contre 3% pour les prostituées de rue) ; 51% des call-girls discutent avec leurs clients (contre 5% chez les personnes prostituées de rue).15
3. Législation
Les agences d’escort-girls sont interdites en France. Il faut savoir que si la législation française ne réprime pas les personnes prostituées, elle condamne le racolage (actif comme passif) et le proxénétisme (cf. la fiche sur La prostitution et les trafics en France). Il ressort néanmoins que, pour la police, la lutte contre la prostitution est d’autant plus difficile que celle-ci est peu visible : « Officiellement, la prostitution discrète représente plus de 20% des dix-huit mille prostituées qui officient en France. Mais les policiers spécialisés reconnaissent eux-mêmes qu’il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg. »16 Selon le commissaire Rigourd, les prostituées de luxe sont « de très jolies jeunes femmes, qui sont en recherche de mannequinat. (...) Mais attention, il ne faut pas les appeler prostituées, elles n’aiment pas du tout. Cela se passe par annonce dans les journaux. Un numéro de téléphone est donné aux clients qui sont bien sûr, des businessmen, des princes arabes... Celle qui organise le réseau est une ancienne call-girl qui, atteignant la quarantaine, a décidé de monter son entreprise avec dix ou quinze téléphones portables. (...) Vous choisissez un téléphone. Vous n’avez jamais la jeune femme en direct, vous avez toujours celle qui gère le réseau ; elle appelle ensuite la jeune femme qui, alors entre en contact avec le client. »17
En outre, de nombreux sites de cyberprostitution se dissimulent derrière des sites légaux d’escort-girls (dans les pays où ils sont autorisés) et des sites de photos de charmes. La police reste souvent dépassée par cette forme de cybercriminalité car il est délicat de rechercher et de condamner un site hébergé dans un pays où la prostitution est légalisée. Les législations de l’Union européenne n’étant toujours pas harmonisées, leurs divergences profitent à la prostitution de luxe, ainsi, d’ailleurs, qu’aux autres formes de prostitution.
4. Le proxénétisme de la prostitution de luxe
A la différence des proxénètes de prostituées de rue, les proxénètes de prostituées de luxe ont peu d’hommes de main et gèrent souvent eux-mêmes leur réseau. Nous donnerons ici quelques exemples de réseaux de proxénétisme démantelés par la police.
A la fin des années 50, Madame Claude, avait monté un réseau international de call-girls à partir des critères étudiés de perfections physiques et mentales. Elle prenait 30% des bénéfices sur les prestations des personnes qui travaillaient pour elle. Elle a été écrouée en 1986 pour fraude fiscale (2,6 millions d’euros environ lui sont réclamés par le fisc). En 1992, elle est condamné pour proxénétisme aggravé à six mois de prison ferme, 30 mois de prison avec sursis et 150 000 euros d’amende.
En février 1994, Monsieur Olivier était à la tête d’un réseau de prostitution masculine. « Une quinzaine de jeunes travaillaient pour Olivier M. : comédiens débutants, étudiants, barmen... Particularité : ils étaient recrutés avec minutie lors de casting à son domicile dans le 2è arrondissement. » Le massage à domicile coûte 700 F [environ 107 euros] mais qui passe à 1000 F [150 euros] s’il a lieu avec relation sexuelle. Il propose également "l’apéritif escort" et surtout "l’escapade" week-end ou semaine dont le prix peut aller de 2000 F à 12000 F. A chaque prestation, Monsieur Olivier empoche de 30 à 50 % de commission. »18 Olivier M. a été placé sous mandat de dépôt.
En novembre 1994, Heidi F. qui dirigeait un réseau de prostitution dont la plupart des clients étaient des acteurs de cinéma célèbres a été écrouée. Elle a été condamnée à trois ans de prison à la suite de son procès durant lequel elle a menacé de dévoiler l’identité des personnes qui faisaient appel aux services de son réseau.
Le 16 novembre 1998 a débuté « le procès des six animateurs présumés d’un réseau de prostitution de luxe impliquant près de quatre-vingts dix jeunes filles, dont une quinzaine de mineures entre 1994 et 1997. »19 Sur le banc des prévenus se tenaient un photographe de mode en détention provisoire depuis le 30 janvier 1997, un ex-mannequin suédois, un homme d’affaires libanais, le fondateur d’une école d’hôtesse. « Renvoyés pour "proxénétisme aggravé", les six prévenus encourent jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 10 millions d’amende. »20 En janvier 1999, le photographe a été condamné à cinq ans de prison pour proxénétisme aggravé. « Il devra verser 220 000 francs [environ 33846 euros] de dommages et intérêts à trois jeunes filles qui s’étaient constituées partie civile lors de l’audience. (...) Le tribunal l’a également interdit de séjour, après sa sortie de prison, sur la Côte d’Azur. (...) [L’homme d’affaires] a été condamné à 30 mois d’emprisonnement dont 20 avec sursis et cinq ans d’interdiction du territoire français. »21
Margaret M., anglaise de milieu aisé ayant fait une grande école de commerce et parlant couramment cinq langues, a été arrêté le 6 mai 2002 dans un grand hôtel parisien. Elle animait un réseau «
comptant, selon l’accusation, 538 femmes et 56 hommes en France, Italie, Allemagne, Turquie notamment. »
22 Les acteurs de ce réseau, qui ne disposait pas de locaux fixes, auraient uniquement utilisé internet et des téléphones pour fixer des rendez-vous dans toute l’Europe. Margaret M. prenait 40% sur les bénéfices de ses employés ce qui lui rapportait environ 20 000 euros par mois. Elle a nié l’existence de relations sexuelles : «
Je permettais à deux adultes consentants d’entrer en contact. Ce qu’ils faisaient après ne me regardait pas. »
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Cet argument est souvent utilisé par les proxénètes pour se disculper lors de l’accusation de proxénétisme par la justice. Margaret M. a été condamnée le 23 octobre à quatre ans de prison pour « proxénétisme aggravé » et 150 000 euros d’amende par le Tribunal correctionnel de Paris. Elle a fait appel de cette décision.
Perspectives
Les enjeux de la prostitution de luxe résident dans les prestations des personnes prostituées et dans les sommes d’argent importantes qui circulent entre les clients, les prostituées et, le cas échéant, les proxénètes. Cependant, la prostitution de luxe est encore considérée comme un tabou car elle concerne parfois des personnes exerçant de hautes responsabilités dans le monde des affaires et de la politique et dont la réputation ne doit pas être entachée.
Pour ces raisons, la prostitution de luxe fascine le grand public qui remarque surtout l’atmosphère luxueuse dans laquelle les personnes prostituées évoluent sans toujours percevoir le caractère dévastateur de l’acte prostitutionnel.